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Le parquet ciré, froid comme une lame, reflétait la lumière blafarde du couloir.  Dix heures du matin.  Dix heures pour déconstruire le chaos qui avait envahi ma chambre.  Encore une nuit blanche, rythmée par les battements désespérés de mon cœur, par les mots qui dansaient dans mon esprit, implacables, impérieux.  Monique Rolland.  Ce nom, un masque, une carapace, derrière laquelle je me cachais, moi, Catherine, je veux dire, Monique.  Car, comme l'écrit Catherine Millet, la vie n'est qu'un défilé d'identités, une succession de masques que l'on porte et que l'on dépose.

Mon père, un homme d'affaires austère et impitoyable, sentait la puissance dans chaque geste, dans chaque parole.  Il avait façonné ma vie, modelé mon esprit, comme un sculpteur façonne une statue de marbre.  Il ne voyait pas la femme qui sommeillait en moi, la femme qui brûlait d'une fureur contenue, d'un désir insatiable.  Il voyait une future épouse modèle, une fille conforme à ses attentes, une fille sans défauts, sans passions.  Mais les passions, comme les fissures dans le béton, étaient inscrites en moi.


La ville, un labyrinthe de rues pavées, respirait un autre genre de liberté.  Dans les bars bondés, les regards glissaient sur moi, me mesurant, me dévorant.  Mais je n'étais pas une proie facile. Je me dérobai, je me transformai,  je jouais les rôles.  Le rôle de la fille facile, de la fille intelligente, de la fille fatale.  Et il y eut, bien sûr, l'amour.  Des hommes, comme des vagues qui se brisaient sur la plage de mon existence.  Chacun voulait laisser sa marque, son empreinte.  Mais je ne voulais être ni une victime, ni une objet.  Je voulais être le maître de mon destin.


Un endroit insolite et audacieux ?  Il faut bien le dire, j'ai trouvé l'amour dans les recoins les plus inattendus.  Une galerie d'art, le soir, plongée dans l'ombre et le mystère.  Une conversation qui se déroulait à voix basse, au milieu des tableaux qui semblaient respirer.  La peinture, cette déesse muette, reflétait mes propres angoisses, mes propres désirs.  L'homme, un critique d'art brillant et imprévisible, m'a ouvert une autre dimension, une autre façon de percevoir le monde.  Au milieu de ce dédale d'émotions, le désir s'est transformé en une explosion de sensations, un mélange d'émerveillement et de terreur.  C'était là, dans cet espace entre l'art et le désir, que j'ai trouvé une forme de liberté.  Un espace où les murs semblaient se fondre, où l'on pouvait être soi-même, sans artifice.


Et puis, il y a eu les mots.  Les mots, ces armes redoutables, qui dépeignent mon existence, mes doutes, mes peurs.  Les mots qui me permettaient de me comprendre, de me définir, de me transformer.  Les mots, comme les couleurs sur une toile, pour peindre ma vie.  Ce n'est pas une vie facile, celle que j'ai vécue, Monique Rolland, ou Catherine, ou...  juste moi.  Une vie complexe, agitée, pleine de contradictions.  Une vie à déconstruire, à réinventer, à écrire.