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Le vent glacial de Tokyo, il sifflait dans les ruelles étroites, même les jours d'été.  Je n'avais pas froid, pas vraiment.  Le froid, c'était une autre chose, une autre sensation, une autre blessure.  Katsumi.  C'était le nom que je portais, un nom qui flottait sur mes lèvres comme un oiseau blessé, un nom qui ne m'appartenait pas vraiment.  Un nom pour un masque, un rôle.

Je suis née dans l'ombre, dans un quartier perdu entre les temples et les boutiques de soie. Une ombre, j'étais.  La fille des rues, la petite fille aux yeux bridés, aux mains fines et aux doigts longs.  Ils disaient que j'étais belle, une beauté étrange, une fleur fragile qui poussait dans un terrain hostile. Mais la beauté, elle s'épanouissait dans la solitude, et la solitude, elle devenait mon refuge, mon seul compagnon.

Mon père, un homme distant, aux épaules courbées par le poids du monde, travaillait dans un atelier de réparation de vélos, un métier ingrat.  Ma mère, elle, était une ombre encore plus profonde, une présence invisible, un souffle qui passait et disparaissait.  Il y avait une souffrance sourde dans leur silence, un silence qui s'était infiltré dans mes os, qui avait tissé ses racines dans mon âme.

J'ai appris tôt à me débrouiller seule.  À survivre.  À me cacher.  L'amour, s'il existe, était une chose inaccessible.  Peut-être que c'était dans les regards furtifs des hommes, dans leurs touches rapides et impitoyables, dans les mots durs et les promesses brisées. Je ne sais plus.  L'amour,  il ressemblait à une promesse brisée, un rêve de soie déchiré par le vent.

Et puis, il y a eu ce lieu.  Un endroit insolite, audacieux, comme un secret enfoui dans les méandres de la ville. Un bar clandestin, au fond d'un quartier sombre, où les murs respiraient l'alcool et le désir.  Un lieu où les lumières étaient basses, où les murmures se mêlaient aux rires étouffés, où les regards se croisaient dans une danse obscure.  Il y avait une femme là-bas, une femme aux yeux profonds, aux mains expertes, qui comprenait mon silence, qui parlait mon langage.  Elle m'a montrée le chemin.  Elle m'a ouvert les portes de mon propre corps, de ma propre âme.  Ce fut une rencontre de la nuit, une rencontre de l'ombre, une rencontre qui m'a libérée.  Elle a vu en moi plus que le corps, plus que le visage, elle a vu la blessure, la solitude, le désir profond. C'était un amour différent, un amour nu, un amour qui se nourrissait des ténèbres.  Un amour qui m'a permis de me sentir, pour la première fois, vraiment vivante.

Les autres, ils ne comprenaient pas.  Ils ne voyaient que la surface, la beauté, le mystère.  Ils ne voyaient pas le poids du passé, la souffrance, le désir de liberté.  La société, elle me réduisait à un objet, à une chose à utiliser, à une chose à jeter.  Mais dans cet endroit, dans cet amour, j'étais Katsumi.  J'étais moi.  Je me suis oubliée, puis je me suis retrouvée.

La vie, elle a continué son chemin, impitoyable, inexorable.  Les années se sont écoulées, comme des feuilles qui tombent dans un jardin désolé.  Les souvenirs s'accumulaient, lourds et sombres.  Le poids du monde pesait sur mes épaules, plus lourd encore que le vent glacial de Tokyo.  Mais dans le fond de mon cœur, il y avait cette étincelle, cette lueur, cette mémoire de la liberté, de l'amour, de la vie.  Une lueur qui brillait plus fort que les ténèbres.  Une lueur qui m'a permis de survivre, de vivre, de raconter.  Car la vie, même dans ses aspects les plus sombres, elle est digne d'être racontée.